Jacques Brosse - Les Maîtres zen

A la lecture du traité de Bodhidharma, il y a trois éléments difficiles à agencer, la méditation, les textes (sutras) et l'enseignement de maître à disciple. On peut difficilement comprendre ce qu'apporte Bodhidharma sans se rapporter à son histoire, aussi légendaire soit-elle. Le bouddhisme était déjà présent en Chine depuis le Ier Siècle de notre ère. Autour du Vème siècle, certaines idées que l'on trouve dans le traité de Bodhidharma étaient déjà présentes, même si à cette époque elles paraissaient encore révolutionnaires.Tous les êtres possèdent la nature de Bouddha mais celle-ci ne peut se révéler que par l'éveil subit. Pour provoquer cet éveil, il faut des maîtres à forte personnalité, c'est probablement ce qu'inaugure Boddhidarma en arrivant en Chine. Il y a de nombreuses anecdotes à propos de Bodhidharma, la plus souvent racontée c'est sa rencontre avec l'empereur Wou des Leang.
" Depuis le début de mon règne, j’ai construit tant de temples, copiés tant de textes sacrés, aidé tant de moines ; selon vous, quel est mon mérite ?
- Aucun mérite !
- Et pourquoi donc ?
- Ce ne sont là que des actions inférieures qui permettront à leur auteur de renaître dans les cieux ou sur cette terre. Elles portent encore la marque du monde et sont comme des ombres qui suivent les objets. Une action vraiment méritoire est remplie de pure sagesse, parfaite et mystérieuse, sa nature réelle est au-delà de la portée de l’intelligence humaine.
- Alors, quel est le premier principe de la Sainte Doctrine ?
- Rien ne peut être qualifié de saint dans le principe qui est par définition vaste et vide.
- Qui donc est celui que j’ai en face de moi ?
- Je l’ignore."
Aux questions de l'empereur on comprend immédiatement tout ce qui sépare un bouddhisme disons de forme plutôt dévotionnelle qui repose sur les textes (la Sainte Doctrine) à un bouddhisme qui repose sur l'éveil spirituel au delà de la raison. Selon la légende, Bodhidharma n'aurait pas eu droit à une reconnaissance immédiate par les Chinois. Il aurait passé neuf années à méditer seul devant un mur avant que des moines viennent à lui pour lui demander son enseignement. Il n'était pas non plus très engageant:
"On ne peut comprendre l'incomparable doctrine qu'après avoir suivi une longue et pénible discipline, endurant ce qu'il est le plus difficile d'endurer, pratiquant ce qu'il est le plus difficile de pratiquer. Les hommes de vertu et de sagesse médiocres ne peuvent y comprendre quoi que ce soit. Leur efforts ne comptent pour rien"
On comprend mieux le rôle que joue la méditation, la pratique de la vertu et de la sagesse, l'enseignement ainsi que l'incomparable doctrine.  Les trois éléments (méditation, texte et enseignement d'un maître) jouent à tour de rôle, sont insuffisants en eux-même mais sont néanmoins incontournables pour pouvoir aller au-delà. C'est cette capacité à aller au delà (du texte et de l'enseignement) que se joue la relation de maître à disciple. Il ne s'agit donc pas d'un exercice de totale soumission tel qu'on l'imagine trop souvent.

Étant donné le titre de ce blog, je m'intéresserais  plus particulièrement à Tong-Chan puisque c'est lui qui pose avec le plus d'acuité la question "Quand les êtres inanimés exposent le Dharma, qui peut les entendre?" Tong-Chan composa les vers suivants:
"Quelle merveille! quelle merveille!
Les inanimés exposent le Dharma
ô, vérité ineffable
Si l'on essaie de saisir avec les oreilles,
On ne comprendra jamais.
En l'entendant par l’œil
On le connaît vraiment."
 C'est ce même Tong-Chan qui répondit à un moine qui lui demandait s'il était d'accord avec l'enseignement de son ancien maître:
"J'en accepte une moitié, l'autre, je la rejette. -pourquoi n'acceptez-vous pas la totalité? - Si je le faisais, je serais indigne de mon maître"
 Jacques Brosse souligne d'ailleurs que c'est à partir de l'enseignement de Tong-Chan que la branche Soto du Zen est née. Les méthodes d'enseignements du Zen Soto initiées par Tong-Chan sont notamment moins brutales que celles de Lin-tsi qui pour sa part est à l'oringine de la branche Rinzai du Zen.

Les maîtres dont parle J. Brosse sont les suivants : Bodhidharma, Houei-ko, Seng-ts'an, Tao-sin, Houei-nêng, Chen-houei, Yong-kia, Che-t'eou, Ma-tsou, Pai-tchang, Houang-po, Lin-tsi, Tong-chan, Hong-tche, Wou-mên puis Myöan Yôsai, Dogen Zenji, Keizan Jôkin, Hakuin Ekaku, Hsu Yun, Kôdô Sawaki, Hakkun Ryôko Yasutani, Shunryû Suzuki et Taisen Deshimaru.

Nombreux sont les maîtres dont parle Jacques Brosse dont j'aimerais étudier les textes d'un peu plus près. Je pense revenir prochainement sur La Passe sans Porte de Wou-mên qui est vraiment passionnant.

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