Maître Dôgen - La Voie de l'Éveillé [Butsudô] - Shôbôgenzô, la vraie Loi, Trésor de l'Oeil - Tome 4

Il s'agit du fameux texte dans lequel Dôgen critique l'appellation zen ainsi que les écoles qui en dérivent. Pour Dôgen, il n'y a qu'une seule voie.

Puisque la Loi de l'Eveillé se transmet ainsi avec justesse, voilà les héritiers directs qui se succèdent de génération en génération.(...) Or, ceux qui n'étudient pas ce principe de la Voie appellent à tort, sans raison, "école du zen" la vraie Loi, Trésor de l’œil, le cœur sublime du Nirvana, transmis avec justesse par les éveillés et les patriarches. Ils appellent les patriarches les "patriarches du zen" et attribuent aux savants le titre de "maîtres du zen" (...)" Tout cela n'est autre que le branchage et le feuillage ayant pour racine le point de vue partial. Sous le ciel de l'ouest et sur la terre de l'est, depuis les temps anciens jusqu'à nos jours, il n'a jamais existé l'appellation "école du zen". Ceux qui se la donnent sont des diables qui brisent la Voie de l'Eveillé, ils sont l'ennemi juré, ennemi écarté à jamais par les éveillés et les patriarches" .

Et puis il y a cette petite phrase étonnante :

"Ce n'est pas toujours avec dhyâna que les sept éveillés du passé ainsi que les vingt-huit générations (des patriarches indiens) doivent accomplir la Voie attestée de l'Eveillé" (...) le dhyâna est loin de résumer la totalité de la Loi de l'Eveillé"(...) "la Voie de l'Eveillé telle qu'elle est transmise et reçue par les éveillés qui nous ont précédés ne s'appelle pas dhyâna"
Il est bien dommage que Dôgen n'explique pas plus la différence entre zazen et dhyâna. J'ai écrit sur un forum :"Yoko Orimo dit que Zazen n'est pas, contrairement au dhyâna, une technique." et j'ai obtenu la réponse suivante de Kaïkan : "Voilà un non-sens zazen est composé de za = asana et de zen = dhyâna  donc zazen = dhyânasana. Par conséquent zazen n’est pas une technique pour obtenir quoi que ce soit, mais n’est pas contraire à dhyâna puisqu’elle actualise dhyâna." Si zazen actualise dhyâna pourquoi Dogen dit-il que dhyâna n'est pas la voie de l'Eveillé? Soit pour Dôgen zazen n'est pas réductible à dhyâna en étant plus qu'une posture soit c'est zazen qui n'est pas réductible à la Voie de l'Eveillé mais dans ce cas Dogen parlerait de zazen et non de dhyâna. Si pour Deshimaru le zen c'est zazen il semblerait que pour Dogen zazen ce n'est pas le zen.

Dogen fait remonter à son maître, Tendô Nyojo, ce refus des différentes écoles
Mon ancien maître, l'ancien éveillé, monté en chaire, dit à la grande assemblée: "De nos jours, un peu partout, on ne cesse de parler d'Unmon, de Hogen, d'Igyo, de Rinzai, de Soto, etc. Dire que le vent diffère selon les maisons n'est conforme ni à la loi de l'Eveillé ni à la Voie des patriarches.
On remarquera au passage que Dôgen n'est pas plus tendre pour le zen soto :

Nous le savons, ce sont les confrères (d'Ungo), ces sacs puants croyant être son égal, qui se donnèrent cette appellation "école Sôtô"



Bernie Glassman - Le Cercle Infini - Méditations sur le Sûtra du Coeur

Je rappelle la problématique de ce petit blog : Si le réel prêche le dharma (mujo seppo), en supposant que nous puissions l'entendre, comment y répondre? Faut-il se soumettre au réel, même s'il est injuste? Faut-il tolérer l'intolérable? Que faire?

"Nous n'allons pas vraiment vers l'autre rive, écrit Bernie Glassman, c'est l'autre rive qui vient à nous. Quelque chose se produit, et nous nous éveillons à la réalisation que la rive est sous nos pieds. Ce corps même est le bouddha et tous les bruits du monde - tout ce qui arrive, tel quel - sont les enseignements du Bouddha"

Les bruits du monde (dharmas) sont les enseignements du Bouddha (Dharma), c'est ainsi que Bernie Glassman décrit mujo seppo. Il arrive à maintenir l'idée que tout est parfait et arrive pour le mieux :

"Ce qui arrive à un moment donné est là meilleure chose qui puisse arriver à ce moment précis. Toute autre conclusion serait le produit de nos idées sur ce que les choses doivent être, et ces idées ne sont jamais que nos propres conceptions" (...) "même le meurtre d'un enfant est parfait: il est uniquement ce qui est. Bien et mal sont les jugements que nous ajoutons et ces jugements sont superflus" (...) "la réalité unique se déroule dans le Corps de l'Unité"

et qu'il faut néanmoins agir.

"Le bodhisattva a, lui aussi, réalisé la nature véritable de la vie, mais il a découvert que cette réalisation n'est pas une fin en soi, elle n'est en fait que le commencement de la pratique. Le bodhisattva a prononcé le vœu de ne pas demeurer dans cet état d'union, jusqu'à ce que chaque créature - humaine ou non, animée ou inanimée - parvienne à la même réalisation"
  On voit bien comment chez Glassman s'articule la nécessité de l'action. Le bodhisattva est en harmonie avec le monde mais il ne s'y arrête pas car il voit que tous les êtres ne sont pas en harmonie et pleinement libérés de la souffrance. On notera au passage que cela ne se limite pas aux êtres humains ni même aux êtres animés contrairement à ce qu'on peut lire sur certains forums soi-disant bouddhistes. "Si nous voulons vraiment voir la vie, nous devons tout regarder comme nous-même". Mais alors comment ne pas céder à l'illusion qu'il y aurait un moi qui agit? Comment maintenir simultanément la vacuité de toute chose, moi y compris et la nécessité d'agir si tout est illusion?

Nous ne pouvons pas rester dans la sphère de l'unité où il est impossible de voir les effluents -les différences du monde des phénomènes- (...) ce n'est pas notre rôle et nous ne pouvons pas non plus rester attachés au monde des phénomènes. (...) Nous devons être capables de voir simultanément le relatif et l'absolu, et de vivre et d'agir simultanément, dans les deux sphères.
Il nous faut alors voir que tout ce que nous faisons affecte l'univers entier. " Lorsque l'on découvre que l'on est la totalité, tout est à faire!"

"Les trois principes du Zen Peacemaker Order :
S'ouvrir à l'inconnu.
Porter témoignage
Agir avec Amour. "
S'ouvrir à l'inconnu signifie abandonner toute opinion figée de nous-même et du monde.
Porter témoignage de l'unité de la vie signifie agir pour les autres sans juger, sans faire de différence entre moi et les autres, sans pourquoi.
Agir avec amour "est l’épanouissement de zazen. L'important n'est pas de devenir un saint mais de servir les autres de donner et don de s'offrir aux autres

"Nous n'avons pas à nous inquiéter de ce qu'il faut faire" (...) "Si nous fonctionnons à partir de l'état d'ouverture à l'inconnu, si nous portons témoignage, l'offrande se révèle, le fruit prend naissance..." (...) Le fruit né de lui-même, l'action juste se produit, elle prend naissance dans notre zazen"