Sur les traces de mon maître - George Crane

Parmi les romans qui parlent du zen celui-ci est pas mal. Il y a une petite étincelle d'authenticité qui parcourt le livre.

"En 1959, Tsung Tsaï, un jeune moine appartenant au bouddhisme chan (zen au Japon), fuit devant l'Armée rouge qui envahit la Mongolie. Seul, il parcourt 5000 kilomètres à travers une Chine en proie au chaos et à la famine, et ne surmonte les pires épreuves que soutenu par sa mission : transmettre l'enseignement de son maître. Quarante ans plus tard, Tsung Tsaï vit en ermite dans une forêt américaine. Devenu vieux maître à son tour, il persuade son voisin, le poète George Crane, de l'accompagner sur le lieu de sa jeunesse, à la limite du désert de Gobi. Commence alors une sorte de pèlerinage initiatique au cœur de la Mongolie médiévale jusqu'aux temples secrets du Hong Kong moderne, un voyage d'aventure, de liberté, de recueillement au cœur de la tradition chinoise la plus ancienne."
 L'authenticité est du côté de Tsung Tsaï, moine tchan plus proche du chaman mongole que du chan chinois. Le narrateur poète, George Crane, ressemble à beaucoup d'américains de Kerouac à Bukowski. Le récit du moine parcourant les 5000 kilomètres à travers une Chine en proie au chaos et à la famine est assez passionnante. La deuxième partie relatant le retour du moine dans son pays natal l'est beaucoup moins. En revanche les à-cotés de l'histoire sont très intéressant. Déjà on est à mille lieux du bouddhiste occidental qui s'imagine que son unique rôle est d'enseigner le Dharma. Tsung Tsaï, lorsqu'il est de retour dans son village natal soigne les gens. Il ne passe pas son temps à faire de grands discours sur la parole juste ou sur la compassion. Il agit concrètement sans rien demander en retour, parfois même sans parler. 

J'ai lu ce roman il y a plusieurs années et j'ai gardé en mémoire un passage que j'aime beaucoup. C'est le passage ou ce moine retrouve son plus grand ami, avec lequel il a passé le plus d'années  mais qu'il n'a pas vu depuis très longtemps. Après le récit assez laborieux qui mène jusqu'à, Tao-an, ce personnage étonnant Geoge Crane écrit:

"Un vieux moine accroupi caressait les oreilles d'un gros chat tigré et orangé, étendu au soleil sur une pile de compost.
- Tao-an mon ami, mon vieil ami.
Tao-an se leva d'un bond quand il vit Tsung Tsai et sourit. C'était la seule émotion qu'il montra. Je ne comprenais pas ces retrouvailles indifférentes entre moines. Ni leurs adieux. Tao-an et Tsung Tsai auraient pu s'être quittés la veille. Comme si ces années écoulées ne comptaient pas."

J'aime beaucoup ce court passage qui montre bien ce qui sépare un américain d' un moine tchan. Personnellement je n'aime pas trop les épanchements et je me comporte facilement avec mes amis les plus punks que je n'ai pas vue depuis longtemps comme si on ne s'était quitté que depuis 5 minutes. Cela donne un très fort sentiment de familiarité comme si on ne s'était jamais quitté comme si mes amis sont avec moi en pensées quelque soit la distance. Nous sommes parfois tellement proche que nous n'avons à peine besoin de nous parler. 

"Tao-an et Tsung Tsai se trouvaient ailleurs, en un lieu privé, au-delà des mots, que je ne pouvais atteindre. (...) Ils n'avaient pas ma culpabilité ni ma hargne. Ni mon arrogance ou mon sarcasme. Ils possédaient une sérénité, une impression d'accomplissement surprenante. Ils étaient semblait-il, sans envies, ce qui est impensable chez les hommes. Ils incarnaient le Zen : Sois heureux de vivre, sois heureux de mourir. Fais ton travail et disparais. Ils se trouvaient au-delà de mon angoisse que l'univers n'ait pas de sens au-delà de mon désir de comprendre, vers un Bouddha toujours hors de portée"
L'erreur c'est de chercher le Bouddha en dehors de soi. Quand on prend conscience de notre nature de bouddha, la bouddhéité n'est pas hors de notre portée.

Wou Tch'eng-En - Le singe pélerin Ou Pèlerinage d'occident Si-Yeou-Ki

Je suis tombé sur ce livre chez un bouquiniste, j'ai ouvert une page au hasard et je suis tombé sur ce dialogue entre le singe et un maître et j'ai eu aussitôt envie de l'acheter mais ce sont les dialogues avec le bouddha qui sont les plus savoureux.

"- Et que penserais-tu de la Philosophie naturelle?
-De quoi parle-t-il?
-Il s'agit des enseignements de Confucius, du Bouddha et de Lao-Tseu, des Dualistes et de Mo-tseu et des docteurs de la Médecine. Lire les Ecritures, réciter des prières, apprendre le moyen d'avoir à ses ordres et à sa discrétion Sages et Disciples
- Oui, mais aurai-je la vie éternelle? interrompit le Singe
- Si c'est à quoi tu penses, je craint que la philosophie ne soit pour toi que comme un étai contre le mur (...) Mais vient un jour que le pilier pourrit et que le toit s'écroule." p26

Ahaha le maître n'a pas la langue dans sa poche. Même les enseignements du Bouddha peuvent être comme un pilier susceptible de pourrir un jour si on se contente de la philosophie naturelle. C'est à se demander si l'enseignement dans le bouddhisme n'est pas un moyen d'avoir à ses ordres Sages et Disciples. Si c'est le cas, c'est aux disciples, de ne pas être dupes.

Le singe n'est pas le héros de l'histoire. C'est le pèlerin que le singe finit par accepter d'accompagner jusqu'au Bouddha pour obtenir de lui les enseignements du grand véhicule. A travers l'histoire rocambolesque, on peut y lire une critique assez sévère du bouddhisme ancien.

Il est question de ce livre au début de l'excellente émission Sur les épaules de Darwin de Jean Claude Ameisen Comme un fleuve qui remonterait son cours
En effet, il est question de l'immortalité au début de ce roman et dans les dernières émissions de Jean Claude Ameisen, il est question de ce qui pourrait retarder le vieillissement.

Le maître tchan accepte de lui enseigner les secrets de l'éternité :

"Ménager, entretenir les puissances vitales, cela et rien d'autre (...) Rapelle-toi la tortue et le serpent, noués dans leur stricte étreinte"

Mais le singe devra quand même apprendre les 72 transformations qui permettent d'échapper à bien des dangers. L'immortalité n'est pas une immortalité de fait. Même les immortels, dans l'histoire, peuvent mourir.

Après avoir semé la panique chez les dieux qui ne peuvent rien contre lui, le Bouddha sera appelé à la rescousse et c'est à ce moment là de l'histoire que le bouddha le mettra au défi de sauter hors de la paume de sa main. Ni parvenant pas il sera enfermé au creux d'une montagne pendant 500 ans, jusqu’à ce que le Pèlerin vienne le chercher.